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Harcèlement / cyberharcèlement : un Fléau de la jeunesse ?

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Dernière mise à jour : 4 oct. 2022

Synthèse de l’article : Estévez, E., Estévez, J. F., Segura, L., & Suárez, C. (2019). The influence of bullying and cyberbullying in the psychological adjustment of victims and aggressors in adolescence. International journal of environmental research and public health, 16(12), 2080. https://doi.org/10.3390/ijerph16122080

Synthèse rédigée par TANCONS Amélie et CESARINE Marion, Master 2 psychologie du développement : éducation, troubles et problématiques actuelles - Université Paris 8

Cet article tente d'analyser dans quelle mesure les comportements violents chez les adolescents se traduisant par du harcèlement scolaire à la fois traditionnel et ou cybernétique, ainsi que la victimisation sont des indicateurs d'une inadaptation psychologique chez les adolescents.

« La boule au ventre à l’idée d’aller à l’école », « je me sens seul.e. », « insulté.e., menacé.e., violenté.e. voilà mon quotidien !»


Cela reprend les nombreux témoignages d’enfants et d’adolescents qui ont été victimes de harcèlement scolaire en France.

D’après le rapport de l'observatoire-Sante.fr (2020), 700 000 élèves sont harcelés chaque année en France. La violence scolaire qui se caractérise par le harcèlement et le cyberharcèlement constitue un fait d’actualité affectant un grand nombre d’enfants et d’adolescents dans le monde entier et dont les conséquences sont parfois irréversibles pour la santé physique et psychologique des individus concernés.

Si vous n’avez jamais été victime de harcèlement ou de cyberharcèlement ou si personne n’ayant été confronté à ce problème, vous avez peut-être déjà entendu parler de faits divers ou de films relatant ces agressions. Le film « le jour où j’ai brûlé mon cœur », relate l’histoire émouvante de Jonathan Destin, jeune homme de 27 ans, qui a subi une situation de harcèlement physique et moral dès l’école primaire allant de coups, aux insultes et aux moqueries sur son physique et sur son poids. Au collège puis au lycée, le harcèlement s’intensifie et devient de plus en plus insupportable pour lui. À l’âge de 16 ans, alors que le harcèlement qu’il subit perdure, il décide de mettre fin à ses jours en s’immolant. Il survit à cette tentative de suicide, mais conserve des séquelles aussi bien physiques (brûlé à 72 %, il a subi 21 opérations et continu de souffrir) que psychologiques. Cependant, il décide de changer les choses en racontant son histoire aussi bien à travers des livres qu'à travers les médias. Il témoigne également de son histoire au sein des établissements scolaires.
Les différents témoignages des victimes ont favorisé l’étude et l’analyse de ces comportements agressifs indicateurs d’une inadaptation psychologique ainsi que l’influence de l'environnement externe sur les adolescents et les rapports qu'ils entretiennent entre eux.

Existe-t-il un profil type de harceleurs ou de harcelés ?


Certains auteurs comme Zimmerman (2005) ont montré que les adolescents sont plus enclins à l’agression lorsqu’il existe des déficits dans certains aspects de l'intelligence émotionnelle ou encore dans la maîtrise de soi et dans les compétences sociales en général.
Dans l’article The Influence of Bullying and Cyberbullying in the Psychological Adjustment of Victims and Aggressors in Adolescence, Estévez et al. (2019) ont émis l'hypothèse que les comportements violents et la victimisation seraient le résultat d’une inadaptation psychologique des adolescents. Par inadaptation, ils considèrent qu’une altération dans le concept de soi, une faible satisfaction de vivre, un sentiment de solitude élevé ainsi qu’une symptomatologie dépressive, un stress perçu plus élevé et une anxiété sociale importante seraient des caractéristiques systématiques chez les victimes de harcèlement. En ce qui concerne les agresseurs, les caractéristiques qui ont été relevées sont une empathie et une intelligence émotionnelle plus faible que celle de la moyenne des individus en général.
L’objectif de l’étude présente est d'analyser dans quelle mesure le comportement violent à la fois traditionnel et cybernétique (via les réseaux sociaux) des pairs, et la victimisation à la fois traditionnelle et cybernétique, prédisent certains indicateurs d'inadaptation psychologique chez les adolescents.

Comment s’y sont-ils pris ?


1318 adolescents (47 % de garçons et 53% de filles), âgés de 11 à 18 ans, inscrits dans quatre collèges et lycées dans les communautés andalouses, aragonaises et valenciennes (Espagne), ont participé à cette étude.
La collecte des données a été rendue possible grâce aux directeurs des établissements et à l'ensemble du personnel enseignant. Les participants ont complété 10 échelles psychométriques visant à évaluer : la victimisation (Mynard & Joseph, 2000), le comportement violent (Little et al, 2003), le concept de soi (García & Musitu, 1999), l’empathie cognitive et affective (López-Pérez & Fernández-Pinto, 2008), les traits de l’humeur (Fernández-Berrocal, 2004), le stress perçu (Cohen et al., 1983), l’échelle de satisfaction (Atenzia et al., 2000), la solitude (Expósito & Moya, 1993), la dépression (Radloff, 1977) et l’anxiété sociale (Ruiz, 2005).
Dans le but d’analyser dans quelle mesure le comportement violent des pairs et la victimisation, à la fois traditionnelle et cybernétique, prédit certains indicateurs d'inadaptation psychologique chez les adolescents.

Les principaux résultats de cette étude


Les quatre indicateurs les plus importants de l'inadaptation psychologique chez les agresseurs traditionnels - comme chez les cyber-agresseurs – sont les suivants : une faible satisfaction de vivre, une faible estime de soi au niveau scolaire, une symptomatologie dépressive élevée et une empathie plus faible.
En ce qui concerne les victimes d’agression traditionnelle et/ou cybernétique, les trois indicateurs d'inadaptation psychologique se révèlent être une symptomatologie dépressive élevée, une faible satisfaction de vivre et des sentiments élevés de solitude. Il a été observé chez les cybers-victimes en plus des éléments en communs aux victimes traditionnelles, une anxiété sociale plus importante en lien à une peur d’une évaluation négative par les pairs.

Conclusion


Bien qu’il n’existe pas de profil définitif du harceleur ou du harcelé, l’étude menée a montré que les agresseurs, tout comme les victimes, présentent une perception négative d’eux-mêmes. Chez les agresseurs, cette perception est plus négative au niveau familial et scolaire. Les victimes comme les agresseurs présentent des déficits dans les capacités socio-émotionnelles et empathiques, chez les victimes après agression, ces déficits s'intensifient au niveau de la compréhension de leurs émotions et dans l’autorégulation émotionnelle.

Malgré les apports scientifiques de cette étude, les auteurs reconnaissent certaines limites. Premièrement, les résultats ne peuvent pas être généralisés aux élèves d'autres niveaux d'enseignement comme l'enseignement primaire. Deuxièmement, les données de cette recherche s’appuient exclusivement sur des mesures d'auto-évaluation, ce qui peut introduire des biais de désirabilité sociale chez les participants. Troisièmement, la nature transversale des données empêche la mise en lien de causalité et d’influence entre les différentes échelles psychométriques (variables), c’est pourquoi les données doivent être interprétées avec prudence.

La promotion du développement des compétences psychologiques et socio-émotionnelles dans les institutions de socialisation (l'école, famille) peut offrir aux enfants et aux adolescents des possibilités de mieux s'adapter et de prévenir les situations de victimisation. De plus, développer la sensibilité du personnel scolaire et des camarades de classe aux signes de victimisation par des interventions et de la prévention permettrait de garantir une coexistence pacifique entre les adolescents en général, mais surtout entre les adolescents “exclus” socialement et le groupe classe.


RÉFÉRENCES
Atienza, F.L., Pons, D., Balaguer, I., & García-Merita, M. Propiedades psicométricas de la escala de satisfacción con la vida en adolescentes. Psicothema, 12, 314–319. Available online: http://www.psicothema.com/pdf/296.pdf
Cohen, S., Kamarck, T., & Mermelstein, R. (2003). A global measure of perceived stress. J. Health Soc. Behav., 24, 385–396.
Estévez, E., Estévez, J. F., Segura, L., & Suárez, C. (2019). The influence of bullying and cyberbullying in the psychological adjustment of victims and aggressors in adolescence. International journal of environmental research and public health, 16(12), 2080.
Expósito, F., & Moya, M. (1993). Validación de la UCLA Loneliness Scale en una Muestra Española. In Dimensiones Psicosociales de la Educación y de la Comunicación; En Loscertales, F., Marín, M., Eds.; Eudema: Sevilla, Spain, 355–364
Fernández-Berrocal, P.; Extremera, N.; Ramos, N. (2004). Validity and reliability of the Spanish modified version of the Trait Meta-Mood Scale. Psychol. Rep., 94, 751–755.
García, F., & Musitu, G. (1999). AF5: Autoconcepto Forma 5; TEA Ediciones: Madrid, Spain.
Little, T.D., Henrich, C.C., Jones, S.M., & Hawley, P.H. (2003) Disentangling the “whys” from the “whats” of aggressive behaviour. Int. J. Behav. Dev., 27, 122–131.
López-Pérez, B., Fernández-Pinto, I., & Abad, F.J. (2008). TECA, Test. de Empatía Cognitiva y Afectiva; Tea Ediciones: Madrid, Spain.
Mynard, H., & Joseph, S. (2000). Development of the Multidimensional Peer Victimization Scale. Aggress. Behav., 26, 169–178.
Pierry, D. « Harcèlement scolaire : chiffres, causes et conséquences ». Observatoire-santé.fr. Le 8 novembre 2020.
Radloff, L.S. The CES-D Scale: A self-report depression scale for research in the general population. Appl. Psychol. Meas. 1977, 1, 385–401.
Zimmerman, F. J. (2005). Early cognitive stimulation, emotional support, and television watching as predictors of subsequent bullying among grade-school children. Archives of pediatrics & adolescent medicine, 159(4), 384-388.

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