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Adolescence et trouble de la personnalité borderline

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Dernière mise à jour : 4 oct. 2022

Un début d’explication aux problèmes émotionnels et comportementaux ?


Synthèse de l’article : Jones, J., Penner, F., Schramm, A. T., & Sharp, C. (2020). Experiential avoidance in adolescents with borderline personality disorder: Comparison with a non-BPD psychiatric group and healthy controls. Cognitive Behaviour Therapy, 49(3), 197‑209. https://doi.org/10.1080/16506073.2019.1623303

Synthèse rédigée par Lorna-Flor CUEVAS CERNA, Master 2 de Psychologie du développement, éducation, troubles et problématiques actuelles, Université Paris 8


Le trouble de la personnalité borderline à l’adolescence


Comment peut-on décrire un.e adolescent.e atteint.e de trouble de la personnalité borderline ? Il s’agit d'un.e adolescent.e qui a du mal à gérer ses émotions et qui peut potentiellement passer du rire aux larmes en un clin d’œil du fait d’une instabilité émotionnelle (American Psychiatric Association, 2013). En somme, il ou elle peut se sentir heureux/ heureuse puis soudainement se sentir angoissé.e ou encore piquer une colère Ce qui caractérise le plus ce type de personnalité, c’est une peur de l’abandon qui se traduit par de l’instabilité, de l’impulsivité (Buchheim et al. 2016). Bien entendu, il s’agit là d’une peur irrationnelle et sans fondement ; bien souvent les personnes atteintes de trouble de la personnalité borderline n’ont pas conscience du caractère irrationnel de cette peur ! (Young, 1993)

Vous l’aurez compris, avec tout cela, difficile de garder ses émotions sous contrôle. Pour mieux comprendre ce trouble, une étude américaine a récemment évoqué l’implication d’un mécanisme naturel que nous possédons tous, appelé l’évitement expérientiel (Jones et al., 2019). Mais qu’est-ce exactement ?!

L’évitement expérientiel


L’évitement expérientiel est un mécanisme d’échappement, de refus des émotions, des pensées ou encore des sensations physiologiques perçues comme indésirables (Hayes et al., 1996). En soi, l’évitement expérientiel n’est pas problématique. Par exemple, repousser les révisions du contrôle de maths qui a lieu le lendemain pour regarder un épisode de sa série préférée sur Netflix, c’est OK ! En revanche, s’enfermer à longueur de journée dans sa chambre de peur d’aller à l’école, c’est précisément là que ça se complique. On parle alors d’évitement expérientiel pathologique (Schoendorff et al., 2011).
En effet, l’évitement expérientiel devient un problème lorsqu’il est appliqué de manière rigide, inflexible et répétitive de telle sorte qu’on observe un effet paradoxal sur les émotions indésirables : il les accentue ! Le résultat est une amplification de la détresse émotionnelle et un enfermement dans le mécanisme d’évitement expérientiel pouvant mener jusqu’à la mise en place de comportements néfastes, voire des conduites à risque et de l’addiction (Schoendorff et al., 2011).

Dans l’étude de Jones et al. (2019), les auteurs ont mis en évidence que l’évitement expérientiel était impliqué dans le développement de plusieurs troubles psychopathologiques. L’intérêt de cette étude réside dans le fait que l’évitement expérientiel est un mécanisme qui se met en place dès la petite-enfance et s’intensifie avec le temps. L’objectif est donc de déterminer s’il est possible de pallier ce problème par une sensibilisation précoce et éventuellement, d’atténuer le développement de troubles par la suite. Les auteurs avancent également qu’un évitement expérientiel pathologique joue un rôle important dans les problèmes de comportement, tels que les comportements agressifs ou les troubles de l’alimentation et émotionnels (e.g., dépression, repli sur soi).

L’objectif de l’étude de Jones et al. (2019), était de vérifier l’existence d’un lien plus fort entre l’évitement expérientiel et les difficultés comportementales et émotionnelles chez des adolescents atteints de trouble de la personnalité borderline (TPB). Pour cela, 692 adolescents (64,5 % de femmes, 35,5 % d’hommes) âgés de 12 à 17 ans ont été recrutés. Cet échantillon répartis comme suit : un groupe d’adolescents hospitalisés en psychiatrie dans une clinique privée d’une grande région métropolitaine sud-ouest des Etats-Unis eux-mêmes répartis en deux sous-groupes : 197 adolescents avec TPB et 403 adolescents sans TPB, et un groupe de 92 adolescents sains recrutés dans les écoles de la région. Les critères d’exclusion étaient la présence d’un trouble psychotique, d’un trouble de spectre de l’autisme et un quotient intellectuel inférieur à 70. Pour leur étude, les chercheurs ont utilisé un auto-questionnaire permettant de mesurer l’évitement expérientiel, l’Avoidance and Fusion Questionnary for Youth (AFQ-Y ; Greco et al., 2008). Afin d’évaluer les caractéristiques sous-jacentes au trouble de la personnalité chez chaque adolescent tels que les problèmes d’identité, l’instabilité affective, la qualité des relations entre pairs et l’automutilation, les chercheurs ont utilisé l’auto-questionnaire de la Borderline Personality Features Scale for Children (BPFS-C ; Crick, Murray-Close, & Woods, 2005). Enfin, pour mesurer le niveau des difficultés émotionnelles et des troubles comportementaux, les chercheurs ont utilisé l’auto-questionnaire du Youth Self-Report (YSR; Achenbach & Rescorla, 2001).

Résultats de la recherche


Les résultats de l’étude ont révélé que l’évitement expérientiel différait significativement entre les trois groupes avec des niveaux bien plus élevés chez les adolescents atteints de trouble de la personnalité borderline. De plus, leur niveau d’évitement expérientiel est corrélé avec la sévérité de leurs difficultés émotionnelles et comportementales. Pour faire simple, cela signifie que plus un.e. adolescent.e utilise l’évitement expérientiel de façon rigide et inappropriée (donc pathologique), plus il existe de probabilités d’observer chez lui ou elle des difficultés de régulation émotionnelle.

Reprenons l’exemple du jeune qui préfère rester chez lui :

« Je ne veux pas être confronté à ma peur de sortir rencontrer d’autres jeunes dans mon quartier, je préfère rester chez moi, seul dans ma chambre… Cela fonctionne très bien, je me sens mieux ! ».


Conséquence à long terme :

« Je n’apprends pas à vaincre ma peur puisque je l’évite par l’action de rester enfermé.e dans ma chambre. Mais du coup, plus j’utilise cette stratégie, moins j’ai de chances de sortir un jour pour me confronter à ce qui m’angoisse. Au contraire, c’est de pire en pire ! »


Qu’est-ce que cela nous apprend ?


Cette étude nous indique le lien qu’il peut y avoir entre l’évitement expérientiel et le trouble de la personnalité borderline.
Attention cependant, lien de corrélation ne veut pas dire causalité ! Dans l’état de connaissance actuelle, il n’est pas possible de considérer l’évitement expérientiel comme un facteur causal des problèmes émotionnels et comportementaux des jeunes. En revanche, il permet d’identifier l’évitement expérientiel comme mécanisme associé à ces troubles et donc, de pouvoir agir sur celui-ci pour espérer prévenir le développement de problèmes bien plus graves.
Nous comprenons donc à travers cet article que le but est d’informer les parents sur ce qui se joue dans l’expression du trouble de la personnalité borderline dans un contexte de prévention de ce trouble qui représente une priorité élevée en matière de santé publique.

Que peut-on faire ?


Il existe aujourd’hui des modèles thérapeutiques tels que la Thérapie d’Acceptation et d’Engagement (ACT) qui utilisent la pleine conscience comme stratégie permettant d’améliorer la gestion des émotions (Schoendorff & Bolduc, 2011). Ces thérapies ont montré des diminutions de l’évitement expérientiel par de nombreuses évaluations visant à mesurer les niveaux d’évitement expérientiel avant et après la thérapie (Berking et al., 2009 ; Ducasse & Fond, 2015 ; Hayes et al., 1996 ; Shea & Coyne, 2017). Elles se basent sur le principe d’acceptation des pensées, des sentiments à travers l’expérience présente (ici et maintenant).

Il existe des petites astuces qui peuvent apporter leur aide et peut-être, éviter quelques déconvenues. Ainsi, il est important d’apprendre à identifier ses émotions, les exprimer pour les accepter et en comprendre l’origine (Schoendorff & Bolduc, 2011). Quelques exercices de respiration issus de la thérapie ACT peuvent également être bénéfiques afin de reprendre le contrôle sur les vécus émotionnels désagréables ou intenses.

A méditer… 😉


RÉFÉRENCES

Berking, M., Neacsiu, andrada, Comtois, K. A., & Linehan, M. M. (2009). The impact of experiential avoidance on the reduction of depression in treatment for borderline personality disorder. Behaviour Research and Therapy, 47(8), 663‑670. https://doi.org/10.1016/j.brat.2009.04.011
Buchheim, A., Erk, S., George, C., Kächele, H., Martius, P., Pokorny, D., ... & Walter, H. (2016). Neural response during the activation of the attachment system in patients with borderline personality disorder: An fMRI study. Frontiers in human neuroscience, 10, 389.
Crocq, M.-A., Guelfi, J. D., & American Psychiatric Association. (2016). DSM-5 ® : Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux.
Hayes, S. C., Wilson, K. G., Gifford, E. V., Follette, V. M., & Strosahl, K. (1996). Experiential Avoidance and Behavioral Disorders : A Functional Dimensional Approach to Diagnosis and Treatment. Journal of Consulting and Clinical Psychology, 64(6):1152-68.
Jones, J., Penner, F., Schramm, A. T., & Sharp, C. (2019). Experiential avoidance in adolescents with borderline personality disorder : Comparison with a non-BPD psychiatric group and healthy controls. Cognitive Behaviour Therapy, 49(3), 197‑209. https://doi.org/10.1080/16506073.2019.1623303
Schoendorff, B., & Bolduc, J. G. et M.-F. (2011). La Thérapie d’acceptation et d’engagement. De Boeck Supérieur. https://doi.org/10.3917/dbu.boldu.2011.01
Shea, S., & Coyne, L. W. (2017). Reliance on experiential avoidance in the context of relational aggression : Links to internalizing and externalizing problems and dysphoric mood among urban, minority adolescent girls. Journal of Contextual Behavioral Science, 6(2), 195‑201. https://doi.org/10.1016/j.jcbs.2017.03.001
Young, J. E., & Klosko, J. S. (1995). Je réinvente ma vie. Éditions de l'Homme.
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