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Parents, amis et ados : la chimie des comportements antisociaux

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  • il y a 7 jours
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Comment parents et amis influencent-ils le cerveau des jeunes ?


Synthèse de l’article : Rogers, C. R., Jimenez, V., Benjamin, A., Rudolph, K. D., & Telzer, E. H. (2023). The Effect of Parents and Peers on the Neural Correlates of Risk Taking and Antisocial Behavior During Adolescence. Journal Of Youth And Adolescence, 52(8), 1674-1684. https://doi.org/10.1007/s10964-023-01789-4

Synthèse rédigée par Emilie COELHO RODRIGUES et Maëliss ROUSSEAU, Master 2 Psychologie du Développement, Université Paris 8.

L’influence parentale et des pairs sur la prise de risque des adolescents

Selon une étude récente de l’UNICEF, on recense aujourd’hui près de 1,2 milliard d’adolescents dans le monde. L’adolescence est définie comme une période de transition caractérisée par des changements biologiques, cognitifs, émotionnels et sociaux. Ce stade de développement est également souvent associé à une augmentation des comportements à risque et antisociaux, pouvant avoir des effets néfastes sur le développement des adolescents (Moore et Gullone, 1996 ; Defoe et al., 2019). Une question se pose alors : quels facteurs influencent la prise de risque et les comportements antisociaux ?

Qu’en disent les auteurs ?

Pour les auteurs, une forte proximité parents-adolescents et une faible affiliation à des pairs déviants au début de l'adolescence (6ème, 7ème et 8ème années[2]) seraient associées à une activation moindre des régions neuronales liées à la prise de risque au milieu de l'adolescence (9e année[3]). Les auteurs suggèrent également qu’une forte proximité parentale entraînerait une association plus faible à un groupe de pairs déviants qui, à son tour, engendrerait une activation plus faible des régions neuronales d'intérêt, alors associée à un comportement antisocial plus faible.

Comment ont-ils répondu à cette question ?

45 adolescentes ont pris part à cette étude longitudinale (âge moyen = 15,38 en 9ème année). L’échantillon a été sélectionné en fonction des expériences des filles en matière de victimisation par leurs pairs, elles ont donc, en 6ème année, répondu à une version révisée du questionnaire sur les expériences sociales (Rudolph et al., 2014). Les résultats de ce questionnaire indiquaient que ces dernières avaient été victimes de leurs pairs dans le passé. Les mesures de la présente étude ont été réalisées à différents moments de leur parcours scolaire, de la 6ᵉ à la 9ᵉ année, afin d’évaluer l’influence des parents et des pairs sur la prise de risque et les comportements antisociaux.

En 6ème année, les auteurs ont mesuré l’attachement envers les parents et les pairs grâce à deux questionnaires : l’inventaire d’attachement aux parents et aux pairs (Armsden & Greenberg, 1987), et une version révisée du Peer Behavior Inventory (Prinstein et al., 2001) mesurant l’affiliation à des groupes de pairs déviants. Les participantes devaient également lister les initiales de leurs amis les plus proches et répondre, à l’aide d’une échelle de Likert en 5 points, à neuf questions sur la fréquence des comportements problématiques adoptés par ces amis. Par ailleurs, les comportements antisociaux ont été évalués pour la première fois à l’aide d’un questionnaire incluant 13 items  (Nolen-Hoeksema et al., 2007).

En 7ème et 8ème année, les mesures d’attachement aux parents et aux pairs ont été réévaluées à l’aide des mêmes questionnaires administrés en 6ᵉ année. Les participantes ont également dû effectuer, à nouveau, le listing des initiales de leurs amis les plus proches et indiquer  la fréquence des comportements problématiques adoptés par ces amis.

En 9ème année, les auteurs ont mesuré les comportements liés à la prise de risque via la Stoplight Task (Steinberg et al., 2008), un simulateur de conduite dans lequel les participantes devaient décider de s’arrêter ou de passer à un feu orange. Cette tâche était  réalisée durant une session d’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf)  permettant  l’enregistrement de leur activité cérébrale pendant qu’elles étaient exposées aux stimuli visuels et donc dans une phase de prise de décision face à des comportements.

Enfin, les comportements antisociaux évalués en 6ème année ont été réévalués 3, 6, et 9 mois après la séance d’IRMf à l’aide du même  questionnaire de 13 questions (Nolen-Hoeksema et al., 2007). Cette réévaluation permettait aux chercheurs de contrôler leurs niveaux antérieurs et successifs de comportements antisociaux.

Résultats principaux

Les résultats montrent que les adolescentes ayant une relation étroite avec leurs parents au début de l'adolescence présentent notamment une activation réduite du cortex préfrontal médian (une région cérébrale impliquée dans  la prise de risque)  lors de la réalisation de la Stoplight Task en 9e année. Ces activations cérébrales sont par ailleurs   associées à des niveaux plus faibles de comportements antisociaux ultérieurs.

En revanche, une affiliation accrue avec des pairs déviants est corrélée à une activation accrue du cortex préfrontal médian durant  la prise de risque, également associée à des comportements antisociaux plus élevés.

Par ailleurs, la proximité parentale influence les comportements antisociaux, et cet effet passe par deux facteurs : le fait de fréquenter des pairs déviants et l’activation des régions neuronales liées à la prise de risque. Ces résultats suggèrent que la proximité parentale joue un rôle protecteur contre les comportements antisociaux, en réduisant l’affiliation avec des pairs déviants et l’activation du cortex préfrontal médian   lors des situations à risque, diminuant ainsi les comportements antisociaux des adolescentes.

schéma récapitulatif de l'effet de la proximité des parents, et de l'affiiation à des pairs déviants sur les comportements antisociaux
Figure 1 : schéma récapitulatif des résultats de l’étude

Ce qu’il faut retenir

Cette recherche met en lumière le rôle protecteur des relations parent-adolescent dans la réduction des comportements antisociaux chez les adolescentes. Elle souligne comment ces relations influencent les affiliations sociales et modulent les processus cérébraux, notamment au niveau du cortex préfrontal médian, lors de la prise de risque. En offrant une perspective neurobiologique, cette recherche met en avant les influences sociales, tant parentales que relationnelles, sur les trajectoires comportementales à l’adolescence.

Cette étude présente néanmoins certaines limites, notamment une taille d’échantillon réduite à 45 participantes, pouvant affecter la puissance statistique des résultats. Parallèlement, cette étude porte uniquement sur un échantillon d’adolescentes représentant une plus-value dans la littérature actuelle mais rendant aussi les résultats non généralisables à l’ensemble des adolescents. De plus, bien que la victimisation par les pairs ait été contrôlée, d'autres variables contextuelles, telles que le contexte familial élargi, la qualité des relations avec des pairs non déviants et les expériences traumatiques, n'ont pas été incluses dans l'analyse. Enfin, explorer les mécanismes sous-jacents entre les relations sociales et l'activation neuronale, notamment en examinant l'impact des émotions et de la régulation de l'anxiété sur les comportements à risque, pourrait enrichir la compréhension des comportements antisociaux chez les adolescentes.


[1] Les pairs déviants désignent des individus du même groupe d'âge qui adoptent, voire encouragent, des comportements allant à l'encontre des normes sociales et légales.

[2] Cela fait référence à la 6ème, 5ème et 4ème année de collège en France.

[3] Cela fait référence à la 3ème année de collège en France.


Références :

Adolescence | UNICEF. (s. d.). https://www.unicef.org/fr/adolescence.

Armsden, G. C., & Greenberg, M. T. (1987). The inventory of parent and peer attachment: Individual differences and their relationship to psychological well-being in adolescence. Journal of Youth and Adolescence, 16, 427–454. https://doi.org/10.1007/BF02202939.

Chein J, Albert D, O'Brien L, Uckert K, Steinberg L. Peers increase adolescent risk taking by enhancing activity in the brain's reward circuitry. Dev Sci. 2011 Mar;14(2):F1-10. doi: 10.1111/j.1467-7687.2010.01035.x. PMID: 21499511; PMCID: PMC3075496

Defoe, I. N., Dubas, J. S., & Römer, D. (2019). Heightened Adolescent Risk-Taking ? Insights From Lab Studies on Age Differences in Decision-Making. Policy Insights From The Behavioral And Brain Sciences, 6(1), 56-63. 

Habib & Cassotti, 2017 : M. Habib, M. Cassotti, « La prise de risque à l’adolescence », dans Miljkovitch, R., Morange-Majoux, F., & Sander, E. (2017). Mini traité de psychologie du développement. https://hal.science/hal-04056202

Jones et ses collaborateurs (2011), Jones, S. E., Miller, J. D. et Lynam, D. R. (2011). Personality, antisocial behavior, and aggression : a meta-analytic review. Journal of Criminal Justice, 39(4), 329-337.

Knoll, L., Magis-Weinberg, L., Speekenbrink, M., & Blakemore, S. (2015). Social Influence on Risk Perception During Adolescence. Psychological Science, 26(5), 583 592

Moore, S., & Gullone, E. (1996). Predicting adolescent risk behavior using a personalized cost-benefit analysis. Journal Of Youth And Adolescence, 25(3), 343 359. https://doi.org/10.1007/bf01537389

Nolen-Hoeksema, S., Stice, E., Wade, E., & Bohon, C. (2007). Reciprocal relations between rumination and bulimic, substance abuse, and depressive symptoms in female adolescents. Journal of Abnormal Psychology, 116, 198–207. https://doi.org/10.1037/ 0021-843X.116.1.198

Prinstein, M. J., Boergers, J., & Spirito, A. (2001). Adolescents’ and Their Friends’ Health-Risk Behavior: Factors That Alter or Add to Peer Influence. Journal of Pediatric Psychology, 26(5), 287–298. https://doi.org/10.1093/jpepsy/26.5.287

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Rudolph, K. D., Troop-Gordon, W., Monti, J. D., & Miernicki, M. E. (2014). Moving against and away from the world: The adolescent legacy of peer victimization. Development and Psychopathology, 26, 721–734. https://doi.org/10.1017/S0954579414000340

Stänicke, L. I., Haavind, H., & Gullestad, S. E. (2018). How Do Young People Understand Their Own Self-Harm ? A Meta-synthesis of Adolescents’ Subjective Experience of Self-Harm. Adolescent Research Review, 3(2), 173 191. https://doi.org/10.1007/s40894-018-0080-9

Steinberg, L., Albert, D., Cauffman, E., Banich, M., Graham, S., & Woolard, J. (2008). Age differences in sensation seeking and impulsivity as indexed by behavior and self-report: evidence for a dual systems model. Developmental Psychology, 44, 1764–1778. https://doi.org/10.1037/a0012955

ILLUSTRATION : Freepik

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